Premier appareil, déjà un Pentax
En ce temps là, il y a bien longtemps, venant de terminer mon service militaire, je projetais avec ma solde d’enseigne de vaisseau de réserve, dûment gagnée et épargnée, de faire un voyage lointain pour me changer les idées, avant de me projeter dans « la vie active ».
Je ne sais plus par quel biais, sans doute une petite annonce, je rentrais en contact avec un photographe amateur qui souhaitait monter en gamme. Il vendait un Pentax K-x, qui m’a paru en bon état, avec deux objectifs, le 50 mm classique à l’époque, et un 135 mm, déjà moins courant, plus quelques filtres dont j’ignorais totalement l’usage. Je l’ai acheté, sans discuter, et c’est à partir de cet objet que ma nostalgie photographique se déploie.
Premier voyage photographique, l’Égypte
Quelques jours plus tard, sans avoir eu le temps de tester le matériel, je prenais l’avion pour Le Caire, emportant appareil et rouleaux de pellicule. Quelques photos de la capitale, le temps de m’installer dans mon voyage, et je prenais le train, le bus, le taxi, destination le lac Nasser avec le projet de remonter jusqu’à Wadi Halfa si j’en avais la possibilité.
Aujourd’hui je me suis replongé dans les images prises à Louxor. Constatant sans étonnement que je n’avais que peu de photos des splendeurs archéologiques de ce site pourtant remarquable.
Nous sommes en février, en 1978. Il fait froid, le soleil est bas sur l’horizon, les couleurs sont belles. Le site n’est pas mis en valeur, on y pénètre librement. Je me demande si c’est encore le cas en 2023. J’en doute. Je me promène, j’admire, quelques photos, mais je décide de repartir en ville et de revenir une autre fois, ce soir ou demain, pour le son et lumière. De celui-ci aucune photo ne me reste, bien sûr. Ma pellicule la plus sensible était du 400 ASA, et de toute manière mes moyens ne me permettaient pas de sacrifier une pellicule non terminée pour un résultat incertain.
Avant de repartir vers l’hôtel, je me promène le long du Nil, et au bord des canaux qui répartissent l’eau du fleuve vers les champs cultivés. La lumière est belle.
La campagne égyptienne est vivante. La population se concentre autour des terres arables, et on croise nombre de paysans, des enfants souriants.
Le jour tombe. Tous regagnent leur maison, la circulation sur les berges est intense (selon des critères ruraux, qui n’ont rien à voir avec ceux de nos modernes cités automobilisées). Les véhicules sont de traction animale, mais l’immense majorité circule tout simplement à pied.
Sauf quelques minibus circulant sur les routes empoussiérées, qui soulèvent derrière eux un nuage que les rayons du soleil couchant colorent de douces couleurs.
Le lendemain, je visite Louxor. Au delà du centre touristique, qui ne me passionne guère, je découvre la vie locale et la mixité urbaine, loin des clichés touristiques.
Au café. On fume le narguilé, on discute. Les commerces sont animés, la circulation des piétons et des vélos fluide. Sans bruit, sans hâte.
Peu de voitures. La plupart des rues sont en terre. Les livraisons en centre ville se font en charrette, tirées le plus souvent par des ânes.
En s’enfonçant au delà des rue commerçantes, on découvre une autre facette de la ville. Ici, dans un quartier calme et relativement prospère, on remarque une maquette de mosquée accrochée au mur d’un petit immeuble.
A ce moment, quelque chose me frappe : l’absence d’affiches, de publicités, de panneaux directionnels… La rue est propre, et le regard n’est pas agressé par des injonctions commerciales ou circulatoires. C’est déroutant et bien plaisant à la fois.
En allant encore un peu plus loin, on rejoint les faubourgs moins bien tenus. Les constructions sont basses, peu entretenues. La rue est plus sale, pas d’égouts, ou de caniveaux, les eaux usées sont jetées sur la chaussée.
Continuant mon tour, en arrivant à la lisière de la ville, on découvre un habitat plus rural, mi-fermes mi-maisons. Bêtes et humains partagent les mêmes espaces. Les femmes sont voilées.
Cela fait plusieurs heures que je déambule. Il est temps de revenir vers le centre. Je croise un cavalier souriant, probablement un notable, qui prend la pose et me demande de faire une photo. Je déclenche. Il me remercie d’un hochement de la tête et repart. Jamais il ne verra l’image saisie. Étonnant…
Je repasse par le bord du Nil pour regagner mon hôtel. Sur le quai, des bateaux accostés sont déchargés. Adultes et enfants travaillent, pieds nus, courbés sous le poids des colis. Je suis un touriste occidental bien portant et nanti au regard de bien d’autres. Pour ceux-ci , la vie est dure, elle sera sans doute courte.
Le lendemain, je reprends la route vers le sud. Le bus brinquebalant s’arrête à plusieurs endroits, pour accueillir de nouveaux passagers. J’en profite pour une dernière photo, des vestiges archéologiques au milieu des champs, des statues impressionnantes qui veillent sur la plaine.
Je poursuis mon voyage. Content d’avoir pu visiter les temples, heureux d’avoir découvert un autre mode de vie. C’est cela que je préfère dans le voyage. Déjà en Afghanistan, un an plus tôt, j’avais compris que la découverte humaine était le véritable sens. Et pour cela il faut savoir prendre le temps. Je le prendrai.