Le moulin à huile de noix sis à Biol est une merveille historique et utilitaire. La qualité du service mérite d’être soulignée !
Nous sommes dans le Nord Isère, et après le ramassage des noix, le nettoyage, le séchage, il nous reste une opération importante pour toucher le Graal, ou plutôt son contenu, pour clôturer la saison de fabrication et passer à la dégustation : le pressage…
La voiture a été chargée du sac contenant la fraction de la récolte destinée au moulin. Les noix s’entrechoquent quand nous les déchargeons, nous les posons au moulin à huile pour le pesage. Nous sommes accueillis par le meunier un peu bougon, et son ouvrier, tous deux bien employés par la tâche et donc peu diserts…
L’endroit est sombre, mais chaleureux. Le sol est propre, au plus propre compte-tenu de l’activité de l’atelier. Les machines sont entretenues, on sent l’amour le la belle ouvrage.
Etape numéro 1 : le broyage. Les cerneaux préparés durant l’hiver sont déversés sur la meule de pierre, le moteur est démarré et la première transformation commence.
Prévoyants, nous avons amenés suffisamment de matière pour que nos chères noix ne soient pas mélangées avec d’autres. Pour deux raisons, la première étant qu’elles sont absolument bios, et la seconde est notre fierté du travail bien fait…
Nous admirons la meule antique, mais bien efficace, et comme des enfants devant le hublot d’une machine à laver admirons chaque passage de la pierre qui petit à petit transforme en pâte grumeleuse notre production.
La meule a fait ce qu’on attendait d’elle, la pâte obtenue est alors transvasée dans une caisse en bois pour être légèrement grillée.
Cette étape de cuisson est importante, car elle déterminera les qualités organoleptiques de l’huile obtenue en fin de processus. Elle a pour objet d’éliminer une partie de l’humidité contenue dans les noix, et en les grillant légèrement de développer leurs arômes, par opposition à la pression à froid qui favorise la conservation des vitamines, mais aboutit à un produit moins goûteux.
La pâte est chauffée pendant une vingtaine de minutes, en permanence remuée par un bras tournant, pour garantir une bonne homogénéité. Le chauffage se fait au bois, à 60° C, une bonne odeur de noix grillée se diffuse. La surveillance est précise, il ne faut ni trop chauffer, ni pas assez. C’est de l’artisanat, de l’art où le savoir-faire fait la différence avec la standardisation industrielle.
Vient maintenant un second transvasement, vers le poste de pressage qui transformera la matière semi-solide en liquide d’un côté, et en tourteau compact de l’autre. Rien ne se perd, nous récupèrerons ce dernier en fin de parcours.
Toutes ces opérations sont manuelles, le contact avec les noix chaudes fait partie de l’appréciation de la qualité obtenue.
La presse est chargée. Au fond un scourtin assurera le filtrage, il empêchera en grande partie que la poudre de noix ne soit déversée avec l’huile. Un galet faisant office de piston est placé sur le dessus. Puis se fait la montée en pression.
Et voici que s’accomplit la transformation. Un jus sort de la machine, l’huile de noix commence à couler dans le seau qui va la recueillir. Nous avons envie d’y tremper le doigt pour goûter !
Il reste encore deux étapes, en théorie, pour aboutir à une huile de qualité marchande, la décantation et le filtrage. Mais ce sont deux opérations qui ne seront pas réalisées au moulin à huile de Biol. Après quelques minutes de refroidissement, le liquide encore tiède est versé dans le jerricane que nous avons amené.
L’huile ne restera pas longtemps dans le vulgaire plastique, indigne de la qualité de notre huile. Dans quelques minutes elle sera transvasée dans des récipients plus nobles, en verre, où elle décantera. Puis nous la filtrerons pour la mettre en bouteille. Mais ce soir, nous ferons une bonne salade, avec mâcha et betteraves rouges du jardin, et juste un filet d’huile pour apprécier le fruit de nos cultures…
En attendant, nous réglons le meunier, et le remercions. Un dernier coup d’œil et nous partons. Notre visite n’a duré qu’une paire d’heures, mais nous avons eu le plaisir de découvrir un atelier élégant et de repartir avec un liquide qui l’est tout autant. Merci au moulin d’huile de Biol et à son équipe.
J’ai visité, comme beaucoup d’autres, l’exposition à la Fondation Vuitton consacrée à Marc Rothko depuis le 18 octobre 2023, qui se clôturera le 2 avril. J’y suis allé avec une grande curiosité, et une question, qui peut paraître triviale mais qui était le centre de mes interrogations : comment peut-on en arriver à ce degré d’abstraction tantôt ardente (une longue période), tantôt dramatique de mélancolie intense (au sens psychiatrique du terme). Né en 1903, Rothko s’est donné la mort à l’âge de 67 ans, en son atelier.
C’est ce chemin que je vais parcourir (l’exposition est organisée de manière chronologique), en m’aidant car je ne suis pas un spécialiste de l’art, du dossier de presse mis en ligne par la fondation, dossier auquel j’emprunte plusieurs citations, repérées en italiques.
Cet article s’arrêtera au seuil de la période dite « classique », celle des grands tableaux géométriques, qui fut aussi la période le maturité commerciale.
Au commencement, il y a un souvenir – difficile de savoir à quel point il est véridique – qui relie l’enfance de Markus Rotkovitch (1903-1970) à sa peinture. C’est un souvenir que raconte l’ami peintre Alfred Jensen : « Les cosaques prirent les juifs de leur village et les emportèrent dans la forêt où ils durent creuser une grande tombe. Rothko raconta qu’il peignit cette tombe carrée dans la forêt de façon si vivante qu’il n’était plus certain que le massacre n’ait pas eu lieu de son vivant. Il disait qu’il avait toujours été hanté par l’image de cette tombe, et que d’une certaine manière il était coincé dans son tableau. »
Marc Rothko est né en Russie, c’est à l’âge de 10 ans qu’il a quitté son pays de naissance , un peu avant la première guerre mondiale. Un déracinement, la fin d’une première vie au cours de laquelle il reçut un enseignement talmudique. Plus tard la Shoah aura un fort impact sur lui.
Rothko aura aussi été marqué par son éducation, notamment durant son passage à l’Université de Yale, où il aura bénéficié d’une formation intellectuelle de large spectre : mathématiques, économie, mais aussi biologie, physique et philosophie, psychologie…
Salle 1 de l’exposition Rothko, les débuts
Année 1928. Après la rencontre marquante avec Milton Avery, il abandonne ses tentatives de paysages. C’est alors à New York un climat de crise perceptible dans une série de toiles figuratives aux couleurs sourdes, centrées sur quelques nus, des intérieurs et des scènes urbaines, notamment le métro où des espaces clos et coercitifs cernent des figures anonymes et solitaires, étirées et coincées dans l’espace architectural, comme empêchées.
Rothko peint à cette époque quelques portraits (dont le sien, au regard vide derrière des lunettes opaques), des personnages ainsi que des nus.
Il prend alors conscience de l’impossibilité de représenter la figure humaine sans la mutiler, sans lui retirer son âme.
Salle 2, l’irruption de la mythologie et de ses démons
Dans les années 40 et dans un contexte international dramatique, son œuvre évolue. Avec d’autres, l’artiste se pose alors la question cruciale du « sujet » de la peinture dans sa dimension tragique et intemporelle, à travers des mythes fédérateurs, censés être universels. Grand lecteur de Nietzsche, La Naissance de la tragédie, et du théâtre d’Eschyle, il y trouve un répertoire à caractère mythologique. Il en renvoie l’image déformée de héros archaïsants en monstres aux corps hybrides, dédoublés, démembrés, déchiquetés.
Pour Rothko, hanté par le souvenir secret des pogroms de son enfance, cela fait un écho intime, qui croise l’information rampante sur la Shoah.
L’animalité en soi et un certain fantastique exprimés dans ces œuvres s’autorisent aussi d’une influence surréaliste, perçue à travers les intellectuels et les artistes européens arrivés à New York.
On note alors dans les peintures de Rothko une fluidification des espaces et des formes végétales et animales où, plantes et oiseaux, totems et « organismes » dérivent dans des espaces subaquatiques selon le découpage spatial en zones différenciées qui deviendra une constante. Les titres, qui disparaîtront, explicitent des contenus dont l’évolution vise bientôt à plus de clarté, vers l’élimination de tous les obstacles entre le peintre et l’idée, entre l’idée et le spectateur.
Les années 1945-1949 voient s’opérer une évolution décisive vers l’abstraction avec des tableaux libérés du chevalet classés comme « Multiformes ». Des champs chromatiques non délimités y sont envahis d’éléments biomorphiques, la couleur en couche mince se substituant partout au dessin dans des espaces flottants et transparents.
Pour moi, c’est la fin du parcours de l’artiste en devenir, la maturité (?) arrive…
Marc Rothko entre dans sa période « classique » : fin de la découverte
Ce sont ensuite, au tournant des années 40, les œuvres dites classiques, icônes devenues identitaires. Dans un champ chromatique faussement monochrome ou fortement contrasté, s’étagent, verticalement le plus souvent, des formes rectangulaires de couleur irradiante aux bords indéfinis, selon un rythme binaire ou ternaire. Se jouent ici, à travers de multiples strates translucides – entre dilatation et concentration, opacité et réflexion, surface et profondeur – d’infinies variantes de tons, de valeurs, d’accords et de dissonances maintenues mouvantes ou savamment résolues en œuvres flamboyantes dans un apogée chromatique. Mystérieuse et comme magique une touche atmosphérique gagne tout l’espace et l’émotion est là.
Bien que nous rentrions ici dans la partie la plus connue de l’œuvre de Rothko, je n’ai pu pleinement profiter de cette visite dans les salles de cette période, tant l’accumulation de ces gigantesques tableaux me gênait. Je laisse à d’autres plus pertinents que moi le soin de commenter la suite de l’exposition, que j’ai par ailleurs beaucoup appréciée.
Après quelques instants passés assis dans le hall d’entrée pour décompresser, retour vers la ville. Avec la satisfaction d’avoir approché un artiste tourmenté et entièrement consumé par son œuvre et ses démons. L’émotion est là, en ressentant l’homme tragique derrière ses toiles, bien plus que dans la répétition obsessionnelle (et/ou commerciale ?) de ses monuments picturaux.
C’est le titre d’un roman policier de Peter Cheney, paru dans la Série Noire sous le numéro 21, en 1949.
Noir… En voyant l’air maussade de la gardienne des premières salles du musée, on se demande si les couleurs de Picasso ont disparu, dissoutes dans une époque bien sombre…
Question légitime, d’autant plus légitime que la visite commence par une salle où Sophie Calle a recouvert de papier kraft les tableaux de Picasso, souvenir d’un temps pas si lointain, celui des confinements Covid.
Bon. Le papier kraft, c’est vraiment triste. Pour égayer un peu l’atmosphère, d’autres tableaux ont été recouverts différemment, de papier blanc. Beaucoup plus élégant. C’est le cas notamment de la « Femme couchée lisant ».
C’est un peu dommage. Je ne connaissais pas l’original, mais il ne m’a pas fallu bien longtemps pour le retrouver sur la toile :
Continuons notre visite. En commençant par le mur que l’artiste a appelé Guernica, Une référence évidente au peintre ibérique sous la forme d’un patchwork d’œuvres diverses, lesquelles avant cette exposition ornaient les murs de sa maison. Plus de 21 m², et des thématiques souvent sombres. Les souvenirs sont des traces du passé. Parcourir l’exposition jusqu’à son terme confirme que la disparition, la mort, sont omniprésentes dans le travail de Sophie Calle.
A côté, dans une vitrine, est-ce aussi un autre souvenir, celui d’une affection perdue, d’un compagnonnage qui n’est plus ? Sans légende, il n’y a pas d’interprétation officielle à cette présentation.
Un peu plus loin, et cette chèvre a déjà été largement diffusée, Sophie Calle a emballé de nouveau en blanc un animal, le bronze de Picasso dont le regard masqué est tourné vers la fenêtre, vers la verdure glacée en ces temps d’hiver du jardin attenant au musée.
Mais ce n’est pas le seul animal blanc de cette exposition surprenante, emballante ! Dans le hall, le loup blanc de Sophie Calle est installé comme un veilleur à ses pieds. Il n’est pas lui emballé, il est empaillé. Aux pieds de sa maîtresse il dévisage de son regard à la fois neutre et acéré les visiteurs qui contemplent cette mise en abyme, une quasi nature-morte.
D’autres disparitions
Il reste encore des tableaux de Picasso dans ce musée. Mais ils ne sont pas directement accessibles, voilés par un linge juste translucide, et seul le visiteur qui les a déjà aperçus pourra les reconstituer grâce au texte qui les recouvre. Pas si simple, l’idée est là, mais la représentation mentale ne rend pas justice au génie du peintre… Mais on est saisi par l’expression de Sophie Calle, par l’expression de ses sentiments explicitement livrés. Vérité ou faux-semblant ?
Couvrir pour mieux guider dans les pensées labyrinthiques de l’artiste est une manière de susciter l’attention du promeneur un peu perdu par l’éclectisme de la plasticienne. Dans une salle à l’étage, des images dissimulées derrière des rideaux invitent à les soulever pour découvrir les raisons des choix photographiques. Personnellement, plusieurs m’ont fait sourire, malgré la tristesse parfois de l’association d’idées qui a guidé le regard lors du déclenchement.
Viennent ensuite deux salles. Dans l’une, les visages d’aveugles stambouliotes, souvent de naissance, font face à la caméra. La question qui leur est posée est de décrire ce que le mot « beauté » évoque pour eux. Dans la seconde salle, dos à la caméra cette fois, des hommes et des femmes contemplent la mer, sur laquelle ils posent les yeux pour la première fois.
La mort, une pensée toujours en arrière-plan
En montant vers le second étage, une phrase écrite sur le mur donne le ton. Il s’agit d’un extrait du journal intime de sa mère : « Sophie est tellement morbide qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard », son domicile.
La mort revient, jusqu’à la fin de l’exposition, souvent de manière cocasse, comme pour conjurer le sort.
Le parcours ascendant se referme dans cette grande salle du troisième étage. Le mot de la fin est signé Sophie Calle…
Il ne reste plus au spectateur de cette exposition intime qu’à dire au-revoir. Iconoclaste, Sophie Calle se met en scène sans pudeur, mais toujours avec humour, avec une ironie mordante. Le désespoir s’exprime dans un déluge sardonique d’auto-dérision, presque cruelle sous ses apparences de farce.
J’ai passé un très bon moment à l’occasion de cette visite. Il ne reste plus qu’à remercier l’artiste et à lui fixer rendez-vous dans un au-delà incertain…
La ville devient hostile aux piétons. Comme à Grenoble, où nous avons l’impression quand nous nous déplaçons pedibus cum jambis de n’être que tolérés sur les trottoirs. Car les « nouvelles mobilités urbaines » ont envahi l’espace.
Encouragés par la politique locale, les vélos frôlent les piétons même lorsque ils disposent d’une piste cyclable sur la chaussée, les trottinettes effraient avec un malin plaisir les non motorisés en surgissant comme des obus sur le côté, derrière vous, sans prévenir.
Il y a aussi les skateboards électriques, les gyropodes… et autres engins d’individualisation des déplacements qui revendiquent le droit de vous bousculer sur les passages cloutés quand vous traversez sagement. Qui vous font un doigt d’honneur quand vous manifestez votre agacement.
A Grenoble, inutile de se réfugier dans les rues piétonnes du centre ville, fièrement estampillées « Réservées aux piétons ». Effet d’annonce qui n’empêche ni les Uber lancés à toute vitesse de revendiquer la priorité au titre de leur statut de travailleurs (tristement précaires, nous pouvons les plaindre), ni les autres engins (pour les ringards comme moi, les EDPM : engins de déplacement personnel motorisés) de se faufiler dangereusement malgré la densité des obstacles humains qu’ils négocient avec mépris.
Quel stress ! Avoir réduit l’empreinte de la voiture dans la ville pour mieux en chasser ceux qui marchent à pied n’est pas digne d’un maire qui se revendique écolo. C’est pourtant la réalité de la capitale des Alpes…
Ce n’est pas nécessairement le cas ailleurs !
La marche à pied est pourtant la première des mobilités urbaines
Partons d’un constat : tout cyclopodiste, tout monorouleur, tout cycliste, tout trottinettiste, tout surfeur devra à un moment ou à un autre descendre de son engin pour rejoindre le méprisé commun des mortels. Il serait donc logique que les marcheurs soient correctement traités…
Allons voir du côté de Montréal comment font nos cousins nord-américains…
Étonnement en observant les passages cloutés locaux.
Car ici pas de stress… Les piétons traversent sans crainte lorsque le petit bonhomme vert s’allume. Sans se faire bousculer ou insulter par des cyclistes auxquels (c’est du moins ce qu’ils pensent) le panneau M12 donne tous les droits. Sans avoir l’impression d’être les quilles d’un slalom urbain, spécialité des trottinettes lâchées dans l’arène, superbement montées par des gladiateurs modernes. Splendides combattants aux casques supra auriculaires adaptés à la guérilla urbaine en les rendant insensibles au monde qui les entoure.
Montréal choisit d’être une vraie métropole apaisée
Alors, quand le paysage urbain s’organise différemment, quand les utilisateurs des mobilités urbaines alternatives respectent le code de la route, les marcheurs et les handicapés en fauteuil, les pousseurs de poussettes, quel bonheur ! On est loin de l’auto-satisfaction du Maire de Grenoble, fièrement proclamée aux portes de la ville sur des panneaux monumentaux… La vitesse des voitures y serait (!) limitée à 30 km/h, quand les EDPM cités plus haut dépassent fréquemment les 45 km/h : cherchez l’erreur.
C’est ainsi que nous avons apprécié notre séjour à Montréal, fin 2022. Et parcouru la ville de long en large paisiblement, sereinement. Sans trottinettes !!! Sans sauvagerie, mais est-ce pour longtemps ? Il semble en tout cas que les édiles québecois ne cherchent pas à flatter l’arrogance des adeptes des nouvelles mobilités urbaines, mais tout bonnement à garder la ville vivable pour les gens paisibles et les moins jeunes. Et agissent en la matière avec prudence et respect des intérêts de chacun, refusant de livrer la ville aux sociétés commerciales qui font leur nanan de cet engouement pour ces nouvelles mobilités urbaines.
Un exemple d’aménagement rassurant, sur cette image : les voitures d’un côté de la chaussée, les vélos de l’autre. Et des trottoirs bien larges pour les piétons. Que demander d’autre pour le peuple des marcheurs ? Rien…
Par ailleurs, il n’y a pas de regret à avoir de ne pas visiter cette métropole en voiture, car même si la conduite automobile y est bien calme, les rues bien perpendiculaires, l’excès de signalisation lumineuse ou graphique ne rend pas les trajets urbains bien confortables pour les touristes que nous étions.
Et puis, il y a un autre aspect à considérer. La tolérance des utilisateurs des différents modes de déplacement est aussi liée à une philosophie de la sérénité exprimée par la municipalité.
Loin de la recherche d’adrénaline de nos villes françaises en jouant les bolides dans les rues, ici on fait l’éloge de la lenteur, et on ose l’écrire en un langage accessible à tous, jeunes et moins jeunes, avec même un peu d’humour !
Le vélo fait partie des mobilités urbaines
Aller lentement permet aussi de découvrir la ville et ses sourires, ses curiosités. Comme ici cette promesse de savourer salement une poutine… Après l’effort cycliste, le réconfort gustatif. Nul doute que les ukrainiens apprécieraient !
Maintenant, on trouve aussi dans la ville suffisamment d’espaces verts, de voies aménagées pour un entraînement plus intense. Et toujours avec le sourire !
Dans Montréal, pourtant une ville moderne comme Grenoble, on ne trouve pas toute la panoplie des nouvelles mobilités urbaines. Mais on y dispose heureusement de moyens de déplacement collectifs et traditionnels. Bus, métro… les transports en commun rendent bien des services. Pour le vérifier, descendons sous terre pour un trajet vers l’animation du centre.
Un avantage de ce mode de transport : on n’a pas les mains occupées par la tenue du guidon, ni les jambes mobilisées par l’effort musculaire. Alors profitons de ce moment de repos pour reprendre des forces !
Nous y sommes. Le parcours n’a pas duré très longtemps, et le tube nous a évité de recevoir l’averse dont on profité ceux du dessus.
La chaussée luisante rend la ville un peu sombre, un peu triste. On distingue moins bien les détails, la vue est un peu brouillée. Alors pour bien se faire voir des automobilistes et éviter tout accident, il convient d’adopter une tenue flashy, ne serait-ce que par ses chaussures ! Jogger en cette tenue appartient aussi aux nouvelles mobilités urbaines ?
Se faire voir (non, non pas aller se faire voir, mais être vu) est parfois aussi une nécessité. C’est le cas des services de secours, qui ajoutent aux couleurs et aux gyrophares le bruit de leurs sirènes.
Un vrai spectacle de son et lumière, parfois, comme ici lors d’une intervention de nuit dans la résidence dans laquelle nous logions. Il ne s’agissait pas d’un exercice… Voici qui a donné du piment à notre voyage (fort heureusement, cela tenait plus du piment doux que de la langue d’oiseau, pas de dommages).
Des nouvelles mobilités urbaines collectives, cela existe
Passons maintenant à des déplacements plus doux et conviviaux, cette fois dans le registre croisé des nouvelles mobilités urbaines et des transports en commun. Admirons ce splendide véhicule (non motorisé et non polluant, aux intérêts commerciaux donc limités !) qui parcourt à un train de sénateur les trottoirs du boulevard Saint Laurent.
La tranquillité des passagers fait plaisir à voir ! Espérons que dans une quinzaine d’années ils sauront ne pas ensauvager les espaces de circulation urbaine montréalais en utilisant de nouvelles nouvelles mobilités urbaines (car il en reste sans doute encore à inventer, au delà des actuelles) !
La ville recèle aussi d’autres surprises. Montréal est une ville bâtie sur le fleuve et en voyant cet équipage, je me suis demandé si le propriétaire n’envisageait pas de traverser l’onde pour rejoindre le continent en renversant son ensemble et naviguer à la pagaie d’une rive à l’autre.
Ou plutôt, il est probable que profitant de l’été indien, il se prépare à partir dans les Laurentides, pour passer un peu de temps dans un paysage arboré bien plus vaste et varié que celui de Montréal…
Les couleurs y sont encore plus belles, l’horizon plus lumineux. C’est une destination favorite pour une escapade du week-end. Mais on quitte là le domaine des mobilités urbaines.
Serait-ce la proximité avec la nature qui rend les Montréalais si paisibles ? Nous le saurons, peut-être, à leur retour…
Pourquoi cela ? Pourquoi un autre angle ? Cela remonte à loin…
Durant mes études j’avais travaillé pour l’OFQJ (l’Office Franco-Québecois pour la Jeunesse), accompagnant des groupes de canadiens francophones durant leur séjour chez nous. Depuis je n’avais plus jamais participé à un voyage organisé, l’expérience était utile pour le financement de mes études, mais je préférais voyager à ma manière et regarder le monde sous un autre angle.
J’avais donc dit, « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». Je me suis repenti… Nous sommes de retour, il y a à peine plus d’une semaine, d’un périple en groupe , en Israël et dans les Territoires Occupés. Un court voyage, dense, intense, fort. Et cette fois en tant que simple participant… De l’autre côté du miroir on voit les choses sous un autre angle. Pas inintéressant sur le plan sociologique, en tout cas.
En tout cas, le fait d’être passé de l’autre côté de l’écran ne m’a pas fait changer de manière de photographier. J’ai bien sûr emmagasiné des images de voyage classiques, mais toujours attiré par l’insolite, l’inattendu, j’ai pu prendre du recul et en décalant du groupe voir l’aventure sous un autre angle.
Israël est un pays occidental ?
C’est un peu l’impression que l’on a lorsqu’on débarque de l’aéroport, direction notre premier hôtel à Tel-Aviv. Impression renforcée le lendemain matin, en montant dans le bus qui va nous transporter durant tout notre voyage, lorsque je découvre le paysage urbain si semblable aux villes européennes du bord de la méditerranée. L’alphabet des publicités et indications routières n’est pas le nôtre, mais à part cela…
Un autre angle : une publicité, une vitrine de magasin, des détails
Et tout de suite, une première interrogation. Que signifie cette affiche lumineuse géante pour une marque de fast-food bien connue ? Est-ce une manière de dénoncer la qualité des produits de cette chaîne de restauration ? De rappeler que la crise du Covid, pas encore complètement effacée, a fortement pénalisé les consommateurs de malbouffe ? Ou encore est-ce une allusion politique au fait que la société israélienne ne permet pas toujours l’expression de certaines minorités ? Pas de polémique, l’objet de notre voyage n’est pas là. La question reste sans réponse.
Le bus démarre. Nous parcourons au tout petit matin les rues de la ville. Nous traversons sans voir grand chose le quartier classé par l’Unesco au titre du mouvement Bauhaus, bien défraîchi. Des rues, des voitures, des piétons, des magasins. Peu d’animation, il est trop tôt, les gens partent au travail, comme sans doute ce cycliste saisi dans les reflets de la vitrine d’un magasin de chaussures. Foot Locker, image fugitive mais pas vraie ment typique.
Nous le découvrirons au fil de ce voyage, Israël n’est certainement un pays champion en matière d’écologie et de recyclage. Si la façade est bien propre, comme partout des détails signifiants montrent bien que, comme ailleurs, on a tendance à simplement camoufler, à glisser sous le tapis ce dont on veut se débarrasser. Ceci sans aucune allusion aux affaires politiques qui agitent la société israélienne, bien sûr.
Mais il y a aussi en Israël, au delà de ces comparaisons avec nos propres travers, de très belles choses, des paysages splendides, des lieux apaisants, des œuvres d’art remarquables. Nous le découvrons au fil du périple,..
Dont les vitraux de Marc Chagall à la synagogue de l’hôpital Hadassah de Jérusalem. Immense était la satisfaction ressentie en contemplant, pour un temps trop court, les magnifiques vitraux consacrés aux 12 tribus d’Israël. Parmi ceux-ci, une œuvre lumineuse, symbolique, mystique, la tribu de Levi : il fallait en choisir une, toutes sont remarquables.
Comme pour les onze autres vitraux de cette synagogue, l’artiste a parsemé son vitrail de symboles liés à la vie du fils de Jacob évoqué dans le verre.
Une approche de la religion en Israël. Mais seulement un début.
Car l’essentiel de notre voyage a été consacré, comme on pouvait s’y attendre, au patrimoine géographique, culturel, monumental, historique et religieux d’Israël.
Avec une surprise de taille, en ce qui me concerne. Avant notre départ, et au regard de la densité du programme annoncé, je m’imaginais Israël comme un vaste pays, où nous aurions bien des trajets à effectuer pour aller de site en site.
Quelle erreur. Les distances sont courtes, les époques se chevauchent, et les monuments s’empilent les uns sur les autres, voire les uns dans les autres, comme au saint Sépulcre. Tout est imbriqué, voire intriqué… Tout est lié, tout vient du même lieu, des mêmes ressources et de la même eau, des mêmes personnes. Pourtant tous ces frères et cousins se sont fait et se font la guerre au titre d’une histoire et d’un livre partagé. Quel non-sens !
La mosaïque religieuse et la ferveur des pratiquants
Nous sommes sur l’Esplanade des Mosquées. Il fait bon, le soleil est déjà haut. Un premier regard sur l’animation religieuse du lieu, avec ce lecteur du Coran paisiblement installé sous un arbre , indifférent à ses concitoyens et aux touristes (nombreux !) tout autour.
Plus loin, au Mur des Lamentations, ce sont des juifs qui viennent prier et embrasser les pierres de ce qui reste apparent du Temple de Salomon. Une ferveur beaucoup plus démonstrative, mais la même indifférence à ce qui entoure les croyants.
En un autre endroit de Jérusalem, sous le Mont des Oliviers, le site de Gethsémani est plus spécifiquement chrétien, mais de différentes confessions : catholique, orthodoxe… La ferveur étreint aussi les pèlerins venus découvrir les lieux saints.
Au cours de ce voyage, nous avons pu voir, depuis Qasr Al-Yahoud, Béthanie, le lieu où Jean-Baptiste a baptisé le Christ. Certains pèlerins d’un autre groupe, américain en l’occurrence, ont renouvelé leur baptême en se plongeant dans l’eau du Jourdain. Il faut avoir la foi, de mon point de vue, pour se baigner dans une eau bien peu courante. Je ne dois pas être assez croyant : sans regret !
Nettement plus classe, le baptême dans l’Église de la Nativité, à Jérusalem. La maman est ravie, la petite fille bien sage, et les dons à l’occasion de la cérémonie sans doute bien abondants. Il le faut pour ornementer tous ces lieux de dévotion et entretenir les objets et les décors… Surabondants !
Trop pour moi, je préfère la simplicité et le dépouillement, bien plus sincères. Un autre angle de vue… Alors sortons du domaine religieux, et partons visiter deux autres lieux patrimoniaux et historiques.
Des lieux de souvenir
L’histoire de la Palestine, avant d’être celle d’Israël, est longue et compliquée. Une visite au Mur Occidental, enrichie par la présentation dynamique d’un guide cette fois souriant et disponible, nous avait présenté l’histoire de l’Esplanade des Mosquées et du Temple de Salomon. A la suite de celle-ci une visite au Musée d’Israël se révèle bien pertinente, quand on peut découvrir la maquette géante du temple dans son environnement. Le gigantisme de ce monument disparu laisse pantois et permet, un peu, de comprendre la nostalgie que ressentent les juifs en évoquant ce passé glorieux.
Ce musée est splendide, en particulier le Sanctuaire du Livre, dont l’architecture m’a emballé . Descendons quelques marches, et dans cet espace impressionnant penchons-nous sur les manuscrits de la Mer Morte, découverts sur le site de Qumran.
Le sanctuaire est enterré, pour faciliter la conservation des précieux manuscrits. Ils ont traversé les siècles dans des conditions de conservation extraordinaires, leur consultation aux temps modernes requiert une attention toute particulière.
Dans un autre registre, bien plus triste, Yad Vashem, l’Institut international pour la mémoire de la Shoah. Une très belle architecture encore, des expositions saisissantes, des objets évocateurs et des images désespérantes, prégnantes… Même en sachant ce que l’on va voir, on est pris aux tripes. Alors, pour illustrer cet article sous un autre angle, une seule photo, qui unit le jardin et le musée.
On en ressort un peu sonné, d’autant que la foule est très dense à l’intérieur, ce qui rend la visite oppressante. Remontons à la surface, allons prendre l’air.
C’est ce que nous avons fait le dernier jour, avant de reprendre l’avion, fatigués mais heureux, en visitant Jaffa, toute proche de Tel-Aviv
Israël n’est ni occidental, ni moyen-oriental
Israël n’est ni occidental, ni moyen-oriental. C’est à la fois une anomalie politique, un pays en pleine ébullition, un sanctuaire qui vu sous un autre angle devrait rassembler et non séparer. On peut rêver…
En tout cas, le contraste entre la modernité et l’agressivité d’un côté, et le patrimoine et l’histoire de l’autre, donne à réfléchir. Il faut digérer tout cela, en tirer des leçons permettant de voir notre monde sous un autre angle. Je vais prendre le temps de le faire…
Et peut-être un jour prendrai-je le temps d’étoffer cet article pour en faire un reportage plus complet. A suivre, merci de m’avoir lu !
Je vous propose de démarrer la seconde partie de cette présentation de l’art de rue à Montréal (street art pour les intimes) par quelques images triviales, mais qui ont le mérite grâce à des artistes anonymes, à des graffeurs inspirés, d’égayer rues et cours de la ville.
Art de rue, art des cours
Ainsi, certaines sites urbains, jardins comme cours ou façades d’immeubles sont « occupés » par des dessins en général gais, qui semblent réalisés au gré des inspiration des habitants, un moyen d’expression personnelle, collective parfois. Un exemple avec cette cour, rue Saint Dominique :
On peut, sans en faire un grand éloge, remarquer l’homogénéité de la palette de couleurs. Même la poubelle s’intègre dans ce coin de paysage urbain…
Une autre illustration de cet art de rue, art de cour : un escalier d’immeuble du Plateau, dans une rue toute proche, qui a un caractère nettement plus tonique. Illustration représentative de dizaines d’autres aperçues au hasard de nos balades dans Montréal :
Mais est-ce du street art ou du graff ? A chacun de se faire son idée. En tout cas, ce type de composition compliquée se retrouve sur de nombreux murs, même dans l’hyper centre, comme celle reproduite ci-dessous. L’art de rue tendance art moderne (Basquiat ?), ou pop art, ou BD délirante ou… ?
Un dernier regard sur une cour bien dégagée. C’est l’occasion d’acérer notre regard pour mieux examiner des œuvres plus « sérieuses » (?).
Art de rue et engagement social et politique
De la même manière que sont engagés certains artistes cités dans ce site à l’occasion de l’exposition Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps, bon nombre de murales découvertes au fil des pérégrinations dans Montréal ont des intentions militantes.
Commençons par une œuvre de Denial, Black Lives Matter, découverte dans un parking au centre d’un block.
Œuvre à lire bien sûr en relation avec le meurtre de George Floyd… Notons aussi que tous n’ont pas le respect de l’œuvre. Quoi de mieux que cette murale pour immortaliser sur une si belle et émouvante toile de fond sa splendide voiture : black cars matter !
Autres larmes, celles que fait verser D*Face, encore une fois sur un mur aveugle donnant sur un parking.
Explications : « intitulée « Looking Back », cette murale de D*Face reflète la fascination de l’artiste pour la publicité et sa nostalgie de l’époque des signalétiques peintes à la main. Il a ainsi mélangé le côté Pop Art caractéristique de son style avec des lettrages faisant référence à son histoire familiale. Le texte que l’on peut en partie apercevoir en toile de fond se rapporte à l’immigration de ses ancêtres ayant quitté Montréal vers 1915« .
Encore une peinture militante : celle du chilien INTI, qui énonce dans une murale étonnante par son aspect fantastique que la soif de l’or nous laissera sans eau : “La Sed del Oro Nos Dejara Sin Agua”. Une pièce d’art de rue prémonitoire car elle date de 2014 ; elle a été imaginée lors de la lutte de différentes communautés contre un projet de méga-mine qui devait s’implanter dans la province de Huasco (région d’Atacama, projet Pascua Lama). Elle trouve aujourd’hui hors de son contexte d’origine une résonance particulière. L’eau vaut bien plus cher que le pétrole ! Pour l’humanité en tout cas, peut-être n’en est-il pas ainsi pour le capital.
Toute revendication murale n’est pas nécessairement artistiquement léchée, soignée, et certaines pour ne pas être signées n’en sont pas moins fortes. C’est l’exemple de celle-ci, dont on peut penser qu’il s’agit de la ré-appropriation d’une ancienne peinture pour une cause très politique : la disparition de femmes autochtones, phénomène dont se préoccupe le gouvernement canadien depuis le début des années 2000.
L’art de rue : conclusion poétique et provisoire
Je terminerai cette sélection de murales par une peinture de Seth, artiste français dont le sujet est souvent lié à l’enfance.
Enfonçons-nous dans l’arc en ciel. En espérant que de l’autre côté la lumière soit plus belle et la chaleur plus douce…
Fin de l’épisode canadien, il resterait beaucoup à publier car notre festin a été bien copieux, mais n’allons pas jusqu’à l’indigestion. C’est le moment pour nous de faire une sélection de tirages papier, on rêve mieux devant un beau tableau que devant un écran. N’hésitez pas à nous mettre un mot si vous souhaiter en profiter.
Le premier chapitre autour de l’exposition Hyperréalisme 2023 au Musée Maillol s’est arrêtée à la quatrième section, telle que proposée par le commissariat de cet événement. Il en reste deux, Réalités difformes et Frontières mouvantes. Avançons dans l’ordre des salles…
Réalités difformes (mais est-ce bien de l’hyperréalisme ?)
Une première œuvre, réalisée par Evan Penny, nous laisse penser que cette partie de l’exposition sera sereine. Troublante, mais sereine.
Et pourtant, ses personnages déformés sont bien dérangeants ! Car selon l’angle selon lequel on les examine, ils apparaissent écrasés, ou étirés, minces ou épais… Leur « volume » nous porte à croire qu’ils ne possèdent que deux dimensions, ce qui met en lumière l’influence profonde des médias numériques et la manipulation des images. C’est une démonstration de notre perception trompeuse de la réalité, et de notre relation ambivalente aux images virtuelles.
Les œuvres d’Evan Penny sont connues pour leur perfection épidermique à l’exactitude presque exagérée. Celle-ci ne déroge pas à cette notion.
Autres déformations, celles que le même Evan Penny fait subir à un visage féminin au départ ordinaire.
En cela, il témoigne de l’altération de l’identité induite, ou tout au moins intensifiée, par les progrès vertigineux de la vie moderne et de ses images.. Lorsque dans les années 1960 l’art emprunte un virage vers le réalisme et la culture populaire, le mouvement débridé et hétéroclite du Pop Art a initié une critique politique et sociale que l’hyperréalisme poursuit aujourd’hui.
Dans cette veine, continuons notre visite, et saisissons l’éclosion d’un idéal féminin bien américain, avec la sculpture Chiquita Banana de Mel Ramos… Jailllissement équivoque… A l’instar des autres œuvres de cet artiste, satires des images banales de l’univers publicitaire, cette représentation transforme en accessoire publicitaire le corps érotisé d’une pin-up surgissant d’un produit bien commercial.
N’oublions pas, en considérant la marque Chiquita Banana, que celle-ci est une émanation de la United Fruit Company, symbole de l’impérialisme américain (l’UFC que l’on trouve à l’origine du concept de « république bananière »). L’ironie est ici double, du statut de la femme objet et de la domination américaine sur le sous continent sud américain. Démonstration que l’hyperréalisme peut être un instrument de dénonciation d’une société capitaliste scandaleuse, sans limites.
Faisons un pas de plus vers l’étrange pour nous intéresser au travail de Tony Mattelli, qui se caractérise par une transposition techniquement parfaite du réel, contredite par un positionnement, une posture qui intriguent, qui dérangent. L’hyperréalisme s’égare vers l’étrange en une contradiction savamment mise en scène.
Encore plus dérangeante est l’œuvre de Berlinde de Bruyckere exposée au Musée Maillol, Elie. La mort et la fugacité inéluctable de nos vies constituent une thématique centrale de son travail. Le corps blessé et torturé présente à la fois des zones clairement définies, exécutées avec une précision chirurgicale, conformément aux canons de l’hyperréalisme, mais aussi des zones qui se fondent dans le flou, l’abstraction. On pourrait y trouver une inspiration chrétienne, pour traiter ainsi de manière douloureuse de la vie, de l’espoir, de la souffrance et de la mort.
Je me suis senti mal à l’aise devant cette sculpture, qui a généré en mon esprit un sentiment d’angoisse. Pourquoi cet homme au sexe informe n’a-t-il pas de tête ? Pourquoi cette transparence de la peau, quasi-anatomique ? Et que signifient ces taches, sur ce support qui ressemble à un édredon ? Questions sans réponses…
La visite continue par un nouveau dérangement fort, dans cette pénultième section. Une sculpture doublement monstrueuse de Patricia Piccinini… Une créature à première vue humaine, qui lorsqu’on l’examine d’un peu moins loin ressemble à une mutation inquiétante et nous fait basculer dans la tératologie… Inquiétude devant cette hybridation accentuée encore par la présence dans les bras de cette « jeune femme » d’un rejeton phénoménal, difforme, aberrant et grotesque, dont on se demande s’il est adapté à la vie, qu’elle soit animale, humaine, extraordinaire.
Dernière section, Frontières mouvantes
Ouf…
Il faut un petit moment pour digérer tout cela avant d’attaquer la dernière section, disparate et que j’ai trouvé un peu superficielle. J’ai notamment été gêné par le son des installations, surtout celle de Glazer/Kunz, qui relèvent plus de la prouesse multimédia que de l’inspiration artistique. Avis très personnel, bien sûr.
Aussi je terminerai cette visite consacrée à l’hyperréalisme par une œuvre plus tranquille, dont l’aspect bien humain rassure et conforte. Dernière étape avant de retrouver le bon air bien frais et les particules fines des rues de Paris….
Je suis plus intéressé par le classicisme en matière artistique. Mais cette fois j’ai pris une vraie claque et suis ressorti à la fois troublé et enthousiasmé de cette exposition, qui j’espère voyagera de nouveau en France ou ailleurs en Europe.
Ce billet est la restitution d’une visite au Musée Maillol à Paris, lors de l’exposition Hyperréalisme, ceci n’est pas un corps, présentée de septembre 2022 à mars 2023 après une première installation à Lyon.
D’une manière générale, je m’intéresse à l’art, et aime beaucoup parcourir des musées, visiter des expositions. Cette fois, c’est d’art contemporain qu’il s’agit.
L’hyperréalisme est un courant artistique apparu dans les années 1960 aux États-Unis et dont les techniques sont explorées depuis lors par de nombreux artistes.
En utilisant des matériaux modernes autant que des techniques traditionnelles -telles que le modelage, le moulage et l’application polychrome de peinture à la surface des sculptures-, l’hyperréalisme crée des œuvres surprenantes, souvent malséantes, malaisantes, dérangeantes…
Hyperréalisme : une démarche pleine de sens
Réalité, art ou copie ? Les artistes cherchent à atteindre une représentation si minutieuse des corps que leur apparence plus vraie que nature nous transporte à la frontière du réel. Ils imitent les formes, les contours et les textures du corps humain afin d’en offrir une illusion parfaite.
Mais en y injectant une dimension inquiétante : la représentation esthétique habituellement valorisante est mise à mal par une attention aux détails qui renvoie avec cruauté à nos défauts corporels, à notre déchéance par le vieillissement, à notre impuissance, à notre superficialité, comme celle des nageuses de Carole A. Feuerman. « Beauty is only skin deep »… et la perfection du corps questionne la possible (?) vacuité de la personne là où certains vient au contraire « une parfaite harmonie intérieure » (in Le guide du visiteur 2023).
Imaginons… et injectons dans ces sculptures de l’IA (de l’intelligence artificielle) comme on injecte du botox pour masquer les vides de la peau, ici le vide de l’esprit. Rendons vivantes ces images parfaites et lacunaires. Faisons les s’exprimer, nous donner leur point de vue sur notre monde. Nous glissons alors dans une spirale cauchemardesque qui pourrait nous faire douter de l’intérêt pour le commun des mortels à vivre dans un monde totalement déshumanisé, . C’est en ce sens que je fais un lien entre Chat GPT et les œuvres qui sont présentées ici et qui m’ont si fortement impressionné.
Une exposition en 6 sections
Le commissariat de l’exposition l’a organisée en six sections, toutes traitant de l’hyperréalisme mais n’ayant pas à mes yeux la même importance. Je vous en présente ici plusieurs, dont j’ai retenu quelques œuvres en fonction de l’émotion (et des questionnements) qu’elles ont provoqué chez moi.
J’ai écarté la première, Répliques humaines, que j’ai jugées comme étant une reproduction de la réalité, comme un splendide travail technique mais sans éveiller autre chose que de l’admiration pour le travail de l’auteur. En ce qui me concerne, cette exposition sur l’hyperréalisme commence à le seconde section, Monochrome
Monochrome
Un peu disparate, j’ai trouvé dans cette partie de l’exposition des œuvres fortes, cela a été le début de mon intérêt pour l’hyperréalisme, et de mon enthousiasme pour cette exposition.
Je vous en présente quelques fractions, sous la forme de détails, car c’est dans ceux-ci que l’interrogation du visiteur est la plus prenante.
Ainsi, deux œuvres en bronze, matériau traditionnel de la sculpture artistique, et en bois m’ont paru s’éloigner dramatiquement des canons antiques ou modernes pour en fin de compte inciter le spectateur à inventer la mythologie qui donne du sens à chacune de ses œuvres, et qui leur est propre.
Cette sculpture de Brian Booth Craig, à taille réelle, attire le regard par l’attitude puissante et déterminée de son sujet. Le corps semble idéalisé, mais la facture n’en est pas lisse, et les traces de la fabrication permettent à l’observateur de prendre une certaine distance. Ce sont alors les détails qui intriguent, comme les deux fossettes du bas du dos, et la présence au bras gauche d’un serpent, au droit d’un oiseau. Que signifient-ils ?
Fabien Mérelle s’est lui mis en scène dans une représentation onirique d’un réalisme fantastique, à la jonction de l’art occidental et de la tradition orientale (sans doute issue d’un séjour d’études de quatre mois à Xi’An, en Chine).
Morceaux de corps
De cette section de l’exposition, deux artistes m’ont semblé mériter une attention particulière. La première, déjà citée plus haut, est Carole A. Feuerman, avec une seconde œuvre sur la même thématique, le thème de l’eau.
Les pièces textiles mettent en évidence la finesse des détails, et notamment l’aspect translucide des gouttes d’eau perlant sur le buste de la nageuse. Une question demeure : que signifient cette pose, cette volonté de ne montrer qu’un fragment de personne, peu compatible avec la notion d’hyperréalisme ?
Une autre question surgit, à propose de cette œuvre de Peter Land, dans laquelle il se met en scène de manière peu flatteuse : où est la part d’humour, où est la part de commisération ?
Jeux de taille
Un autre volet de l’hyperréalisme, qui ouvre de nouveaux horizons : la démesure… Tant dans le sens monumental, que dans la réduction minimaliste. C’est dans la première dimension citée que se sont formés mes étonnements…
D’abord avec Zharko Basheski, qui a fait le choix de réaliser cette sculpture sur-dimensionnée, qui lui confère une apparence imprenable, mais de manière paradoxale lui donne un air vulnérable, hésitant et rongé par le doute…
Ensuite, en contemplant l’œuvre de Valter Adam Casotto, Stringiamoci a coorte, qui nous renvoie à notre petitesse et à notre déchéance humaine, le vieillissement… La religion, et ses croyances de résurrection, sera-t-elle notre salut ?
Cette même déchéance, en tout cas cette évolution vécue comme telle par beaucoup, une fois traitée par le prisme de l’hyperréalisme m’a ému en contemplant ce couple, uni jusque dans celle-ci :
Dans le cas de cette œuvre, à taille réelle, ce n’est pas la nuit qui tombe, mais la fierté, la dignité, l’amour qui émanent de ce couple enlacé.
Il y a du sens et de l’humanité dans l’hyperréalisme !
A suivre…
Le regard que je vous présente sur cette exposition consacrée à l’hyperréalisme n’a pas vocation à être exhaustif, certes. Mais la richesse de cet événement, qui m’a un peu secoué, est telle qu’un second chapitre me semble nécessaire. Alors, à bientôt !
En ce temps là, il y a bien longtemps, venant de terminer mon service militaire, je projetais avec ma solde d’enseigne de vaisseau de réserve, dûment gagnée et épargnée, de faire un voyage lointain pour me changer les idées, avant de me projeter dans « la vie active ».
Je ne sais plus par quel biais, sans doute une petite annonce, je rentrais en contact avec un photographe amateur qui souhaitait monter en gamme. Il vendait un Pentax K-x, qui m’a paru en bon état, avec deux objectifs, le 50 mm classique à l’époque, et un 135 mm, déjà moins courant, plus quelques filtres dont j’ignorais totalement l’usage. Je l’ai acheté, sans discuter, et c’est à partir de cet objet que ma nostalgie photographique se déploie.
Premier voyage photographique, l’Égypte
Quelques jours plus tard, sans avoir eu le temps de tester le matériel, je prenais l’avion pour Le Caire, emportant appareil et rouleaux de pellicule. Quelques photos de la capitale, le temps de m’installer dans mon voyage, et je prenais le train, le bus, le taxi, destination le lac Nasser avec le projet de remonter jusqu’à Wadi Halfa si j’en avais la possibilité.
Aujourd’hui je me suis replongé dans les images prises à Louxor. Constatant sans étonnement que je n’avais que peu de photos des splendeurs archéologiques de ce site pourtant remarquable.
Nous sommes en février, en 1978. Il fait froid, le soleil est bas sur l’horizon, les couleurs sont belles. Le site n’est pas mis en valeur, on y pénètre librement. Je me demande si c’est encore le cas en 2023. J’en doute. Je me promène, j’admire, quelques photos, mais je décide de repartir en ville et de revenir une autre fois, ce soir ou demain, pour le son et lumière. De celui-ci aucune photo ne me reste, bien sûr. Ma pellicule la plus sensible était du 400 ASA, et de toute manière mes moyens ne me permettaient pas de sacrifier une pellicule non terminée pour un résultat incertain.
Avant de repartir vers l’hôtel, je me promène le long du Nil, et au bord des canaux qui répartissent l’eau du fleuve vers les champs cultivés. La lumière est belle.
La campagne égyptienne est vivante. La population se concentre autour des terres arables, et on croise nombre de paysans, des enfants souriants.
Le jour tombe. Tous regagnent leur maison, la circulation sur les berges est intense (selon des critères ruraux, qui n’ont rien à voir avec ceux de nos modernes cités automobilisées). Les véhicules sont de traction animale, mais l’immense majorité circule tout simplement à pied.
Sauf quelques minibus circulant sur les routes empoussiérées, qui soulèvent derrière eux un nuage que les rayons du soleil couchant colorent de douces couleurs.
Le lendemain, je visite Louxor. Au delà du centre touristique, qui ne me passionne guère, je découvre la vie locale et la mixité urbaine, loin des clichés touristiques.
Au café. On fume le narguilé, on discute. Les commerces sont animés, la circulation des piétons et des vélos fluide. Sans bruit, sans hâte.
Peu de voitures. La plupart des rues sont en terre. Les livraisons en centre ville se font en charrette, tirées le plus souvent par des ânes.
En s’enfonçant au delà des rue commerçantes, on découvre une autre facette de la ville. Ici, dans un quartier calme et relativement prospère, on remarque une maquette de mosquée accrochée au mur d’un petit immeuble.
A ce moment, quelque chose me frappe : l’absence d’affiches, de publicités, de panneaux directionnels… La rue est propre, et le regard n’est pas agressé par des injonctions commerciales ou circulatoires. C’est déroutant et bien plaisant à la fois.
En allant encore un peu plus loin, on rejoint les faubourgs moins bien tenus. Les constructions sont basses, peu entretenues. La rue est plus sale, pas d’égouts, ou de caniveaux, les eaux usées sont jetées sur la chaussée.
Continuant mon tour, en arrivant à la lisière de la ville, on découvre un habitat plus rural, mi-fermes mi-maisons. Bêtes et humains partagent les mêmes espaces. Les femmes sont voilées.
Cela fait plusieurs heures que je déambule. Il est temps de revenir vers le centre. Je croise un cavalier souriant, probablement un notable, qui prend la pose et me demande de faire une photo. Je déclenche. Il me remercie d’un hochement de la tête et repart. Jamais il ne verra l’image saisie. Étonnant…
Je repasse par le bord du Nil pour regagner mon hôtel. Sur le quai, des bateaux accostés sont déchargés. Adultes et enfants travaillent, pieds nus, courbés sous le poids des colis. Je suis un touriste occidental bien portant et nanti au regard de bien d’autres. Pour ceux-ci , la vie est dure, elle sera sans doute courte.
Le lendemain, je reprends la route vers le sud. Le bus brinquebalant s’arrête à plusieurs endroits, pour accueillir de nouveaux passagers. J’en profite pour une dernière photo, des vestiges archéologiques au milieu des champs, des statues impressionnantes qui veillent sur la plaine.
Je poursuis mon voyage. Content d’avoir pu visiter les temples, heureux d’avoir découvert un autre mode de vie. C’est cela que je préfère dans le voyage. Déjà en Afghanistan, un an plus tôt, j’avais compris que la découverte humaine était le véritable sens. Et pour cela il faut savoir prendre le temps. Je le prendrai.
N’étant pas un spécialiste de l’art urbain, street art pour les intimes, j’ai eu besoin au moment de rédiger cet article de me documenter sur cette nouvelle discipline. La source première de ce propos introductif est un livre d’Olivier Landes, Street Art Contexte(s), publié chez Gallimard dans la collection Alternatives.
Je le cite : « Le développement du street art est assurément l’un des phénomènes majeurs de l’histoire récente de l’art contemporain. Il est ancré dans son temps, spontané, photographique et viral. (…) Son succès s’explique également par son caractère hybride : il conjugue l’univers de la rue avec celui de l’art (street + art), originellement éloignés. Les œuvres urbaines ouvrent des fenêtres poétiques dans des villes prosaïques. »
Olivier Landes poursuit : « Alors que, dans les lieux habituels d’exposition, l’œuvre est montrée pour elle-même, dans un environnement volontairement neutralisé pour donner toute la place à l’art, l’œuvre d’art urbain, elle, jouit d’une mise en contexte systématique. Et lorsque le site est spectaculaire ou que la mise en contexte est parfaitement pensée, elle prend alors une toute autre dimension (…). »
Voyons cela de près…
Le Street Art, une appropriation de la ville
Commençons par l’enfant du pays, Leonard Cohen. Un héros, un héraut montréalais. Dont le portrait quasi photographique orne le pignon d’un des grattes-ciels du centre ville. Visible, comme le nez au milieu de la figure, du Mont Royal ! Vous voulez vérifier ? Revenez alors à l’article précédent, « Montréal, une ville française ? » pour vérifier mes dires, et examinez la première photo…
Leonard Cohen, personnage singulier. Humaniste cérébral et tourmenté, mystique aux multiples égéries, amies et amoureuses… Grand dépressif devant l’Eternel, comme a su le traduire le street artist Kevin Ledo. Mais quel personnage, quel poète !
Mais revenons-en aux citations des premières lignes de cet article, un peu plus haut. Avec un exemple, je voudrais illustrer la manière dont l’angle de vue change la perception de l’œuvre. Commençons par remonter le boulevard Saint Laurent, et admirons depuis la chaussée le travail de Shepard Fairey.
Maintenant, passons par l’arrière d’un bloc urbain dans une rue transversale proche, et recherchons le regard direct de cette femme. Que comprendre de cette intrication d’images et de lignes ? Pour moi, la question reste en suspens. Même si une conclusion s’impose : il est difficile de séparer la murale de son environnement.
Les murales sont partout. Et même, certains artistes tentent la transformation de la façade d’un immeuble en une fresque géométrique. Personnellement je n’adhère pas, est-ce vraiment du street art ? Mais à chacun de se faire un avis…
Une chose est en tout cas certaine, les fresques sont partout dans la ville, et seuls les nouveaux arrivants, les touristes s’arrêtent pour les contempler, les montréalais les ont totalement intégrées dans leur cadre de vie.
C’est le décor dans lequel s’installe la vie. On marche, on s’assied, on prend le soleil, on téléphone…
Mais, comme en France, et cela m’attriste alors que d’autres acceptent volontiers ces transformations, ces œuvres (le street art en produit de superbes) sont parfois taggées par des sous-artistes qui les dénaturent au point de leur faire perdre leur équilibre esthétique. Cela aussi, c’est la vie…
Toutes ces œuvres n’ont pas pignon sur rue. Parfois c’est pignon sur ruelle ou courette ! Il devient alors difficile de prendre suffisamment de recul pour admirer le tableau dans son ensemble. Comme dans le cas de cette murale de Jeremy Shantz.
Arrêtons cette première séquence consacrée à l’art mural de Montréal avec une œuvre un peu inquiétante. Dans la cour d’un immeuble industriel logé dans une rue peu fréquentée, on aimerait comprendre cette fresque sans couleur, mais non sans dimension. Roa est un spécialiste des rats géants, il décrit sa démarche comme une thérapie. Je veux bien le croire.
La seconde partie de ce article est programmée pour bientôt ou un peu plus tard… Restez en ligne !